Les Bio refusent les OGM

LES BIO REFUSENT LES OGM 

Après avoir donné la parole à Jean Masson, président de l'Inra de Colmar, Viti Alsace présente le point de vue de Jean-Pierre Frick, viticulteur bio à Pfaffenheim, engagé pour les causes humaines et environnementales.les. Et l’ensemble de nos vins bénéficie de ces efforts.


L'Inra de Colmar a annoncé que les essais OGM avaient comme seul objectif d'améliorer la connaissance sur les défenses naturelles de la vigne.

Jean-Pierre Frick : Pour l'instant, je m'en réfère au bon sens et à la conscience. Toutes les manipulations génétiques végétales ont été faites pour satisfaire des intérêts économiques. Par exemple la technologie roundup ready a permis à Monsanto de conserver la propriété industrielle du glyfosate qui allait tomber dans le domaine public. Le seul but de cette démarche est la marchandisation du vivant, et la dépossession des agriculteurs de la capacité à se nourrir eux-mêmes. Ça a commencé avec les maïs hybrides. Derrière, il y a cette volonté de contrôler que nous refusons. Nous, les viticulteurs bio, voulons être autonomes. Cela ne veut pas dire autarcique. On est interdépendant. L'interdépendance est constructive. En voulant rendre tout marchand, on nous retire nos pouvoirs.

La génétique est pourtant un outil de connaissance. Faut-il la refuser ?

J.-P. F. : «Vous êtes contre les OGM, c'est que vous refusez le progrès». nous dit-on. Je trouve que derrière ce discours culpabilisant en forme de slogan télévisuel, il n'y a pas d'analyse. Je suis pour les innovations techniques à condition qu'elles soient favorables à l'épanouissement des êtres humains et de la vie sur terre. Fondamentalement, les manipulations génétiques sont gouvernées par une idéologie : dominer la nature. J'estime qu'il n'y a pas d'un côté la nature et de l'autre nous. Nous sommes peut-être la partie pensante de la nature, mais nous faisons également partie intégrante de la nature, on a d'autant plus de responsabilité vis-à-vis d'elle.

Certains dénoncent le risque de se voir dépasser économiquement si nous abandonnons la recherche génétique.

J.-P. F. : Moi, je suis citoyen de la terre et je suis solidaire avec tous les paysans de la terre. On nous dit que si on abandonne les essais, d'autres pays vont nous dépasser. Dépasser en quoi ? En puissance de l'économie ? En nuisance de l'environnement ? La recherche fondamentale est une excuse. J'estime qu'il y a d'autres recherches impérieuses à mener comme tester de nouveaux cépages ou de nouvelles formes de multiplication de vigne comme le semis de pépins. Rappelons-nous qu'il y a un siècle il y avait plus de cent cépages en Alsace.

Vous reprochez surtout que ces essais vous sont imposés :

J.-P. F. : Il n'y a pas d'outil démocratique qui permet de conserver de la recherche fondamentale au service de la connaissance de l'humanité. Il y aurait besoin d'un outil juridique avec un contrôle démocratique. Ça n'existe pas. L'Inra propose un engagement noir sur blanc. J'estime que ça ne vaut rien si derrière des groupes font pression au ministère.

Le problème se pose au niveau international. L'ONU a été créée pour que les peuples s'entendent, elle n'est pas respectée, à commencer par les plus puissants. L'environnement est aussi un problème planétaire. Il n'y a aucune structure internationale de protection de l'environnement contrôlée démocratiquement. On voit ainsi se développer des techniques et des zones de non-droit environnemental.
Vous estimez enfin que les conditions pour parer à d'éventuels risques sont insuffisantes.

J.-P. F. : Je suis critique à l'égard de l'avis des experts. Combien de fois se sont-ils trompés ? Amiante, Vioxx, etc… Le problème est qu'il y a très peu d'experts neutres et d'expertises contradictoires. Actuellement, les scientifiques se querellent sur la stabilité des gènes. Nous n'avons pas d'éléments scientifiques suffisants. De plus se pose le problème de l'irréversibilité. J'estime qu'il faut des bases, qu'il faut du temps, voir l'amont et l'aval. Un autre risque vient du fait que la recherche est très compartimentée, que les chercheurs sont aujourd'hui très spécialisés. Les chercheurs n'arrivent pas à sortir de ce cadre préétabli, à créer des passerelles entre les différentes disciplines. Beaucoup de chercheurs sont prisonniers de leur formation. Si parallèlement je ne cherche pas une formation sur d'autres plans, je suis coincé dans le moule dans lequel on m'a mis.

L'analogie dans le monde minéral, végétal ou animal selon Goethe pourrait leur être utile.

 PROPOS RECUEILLIS PAR D.I.



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