En cave

La culture de la vigne et l’élevage du vin s’inscrivent dans la sphère économique mais aussi culturelle.
Le culturel n’existe pas sans un idéal et une authenticité, qui écartent les additifs de « confort » et les technologies superflues,
et replacent l’économie à son rang d’outil. Lorsque l’économie règne seule, elle sacrifie l’âme du vin, de concession en concession, de simplification en rationalisation. La reconquête de la liberté psychologique, par un nouvel apprentissage des lois de la nature, permet de re-devenir autonome et indépendant des laboratoires. En s’affranchissant des standards impulsés également par la grande distribution (2/3 des ventes de vin d’A.O.C.) s’ouvre un espace de liberté nécessaire à la quête esthétique des vignerons pour leurs vins.
 Voici les principales étapes du raisin à la bouteille.


Les vendanges 
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Selon les années, les vendanges commencent entre le 15 septembre et le 15 octobre. Millésime après millésime, nos vignes affichent une maturité supérieure à la moyenne grâce à un rendement maîtrisé et à l’absence de produit anti-pourriture. La récolte peut s’étaler sur plus de deux mois avec des interruptions. Les raisins destinés à l’élaboration du Crémant sont récoltés en premier. Suivent les Muscat et Pinot Blanc afin de préserver une belle fraîcheur et des arômes primaires (du fruit). Puis c’est le tour des raisins pour les vins classiques, les cuvées précieuses et finalement les Grands Crus. Les Vendanges Tardives et Sélections de Grains Nobles sont récoltées par tris lorsque la pourriture noble s’est développée. Nos vendangeurs habitent dans la proche région. Cela nous permet de récolter à la carte et exclusivement par temps sec. La machine à vendanger gagne du terrain en Alsace, elle permet de diviser le coût de la récolte par deux (750 €/ ha au lieu de 1 500€ en manuel). Le vécu social pendant les vendanges et la recherche qualitative par de nombreux tris des raisins excluent pour nous l’utilisation d’une machine à vendanger. De plus elle est le « Cheval de Troie » de la pharmacopée oenologique dans la vinification des vins blancs.


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Pressurage
Nous pressons les grappes entières sans foulage préalable. Les pressoirs pneumatiques limitent considérablement la trituration, 
la production de bourbes et les faux goûts. 
Chaque pressée dure au moins 5 heures avec seulement trois ou quatre émiettages des marcs.

• Débourbage
Nous laissons décanter le jus de raisin statiquement pendant une nuit, sans adjonction de soufre, d’enzymes ou de bentonite. 
Le matin suivant nous séparons les 98 % de jus clair des 2% de jus trouble (bourbes). Le jus clair est pompé dans le foudre où il fermentera.

• Enrichissement
L’éthique du vin demanderait une baisse contrôlée des rendements pour une concentration naturelle du vin. Le marché et l’économie favorisent au contraire l’enrichissement par adjonction de sucre (chaptalisation) et plus récemment l’enrichissement par les méthodes soustractives. L’osmose inverse et l’évaporation sous vide (le jus bout à 19° C à une pression de -1 bar) éliminent une partie de l’eau du moût de raisin en recourant à des technologies lourdes. 
En 1980 la majorité de nos cuvées portait déjà les initiales N-C (non chaptalisé) sur l’étiquette. 
A partir de 1988 plus un seul vin n’est chaptalisé.

• Levures et fermentations
Des siècles durant, les jus fermentaient avec leurs propres levures et devenaient joyaux ou médiocres breuvages. Pourtant la médiocrité n’incombait pas aux levures, mais aux raisins immatures, au manque d’hygiène et de suivi des jeunes vins. 
Deux décennies de déstabilisation des vinificateurs ont conduit à l’usage quasi-généralisé des levures sélectionnées et multipliées en laboratoire. Non contents des sélections antimousse - à haute expression aromatique - à hauts rendements alcooliques, etc. …des travaux sont en cours pour modifier génétiquement des levures. La vigne croit entre ciel et terre. Sol, sous-sol mais aussi la pruine et ses levures sur les baies de raisin constituent le Terroir. Pour nous, la viticulture biodynamique et la recherche d’expression de terroir sont indissociables des levures indigènes.

• Arrêts de fermentation
Certaines de nos cuvées n’ont pas achevé leur fermentation en décembre. Nous ne chauffons pas pour autant et n’ajoutons pas de levures « finisseuses », mais ouillons simplement les foudres en question. 
Au printemps ces fermentations reprennent, quelquefois doublées de la fermentation malo-lactique L’autolyse naturelle des levures du vin non soutiré restitue les conditions nécessaires à la fermentation. Ainsi la Nature offre six mois plus tard ce que la pharmacopée oenologique voulait vite forcer.

• Le soutirage
Pendant la phase tumultueuse de la fermentation, les foudres ne sont pas pleins, pour éviter leur débordement. De nombreux vins secs terminent leur fermentation alcoolique en deux ou trois semaines. Environ 10 jours plus tard, la protection du gaz carbonique produit par la fermentation s’estompe, l’oxydation du vin menace. 
C’est le moment de soutirer : transvaser le jeune vin encore trouble (généralement en l’aérant), dans un autre foudre de taille plus réduite qui sera plein jusqu’à la bonde. Le vin se clarifie progressivement par sédimentation et reposera ainsi jusqu’à la mise en bouteille. Selon leur évolution, certains vins demandent une aération pendant cette phase de maturation. 
Elle se fait par passage sur des vasques de dynamisation spécifiques.

 • Bâtonnage - Filtration
Actuellement, les autorités oenologiques font un virage à 180° pour les vins haut de gamme en abandonnant le précept de la filtration des vins jeunes en décembre, au profit d’un bâtonnage des lies jusqu’au printemps et cela pour toutes les régions de vins blancs. Entre ces extrêmes, nous pratiquons un séjour de 5 à 9 mois en foudres de chêne sur lies fines sans bâtonnage avec un caractère Alsace à la clef. Nos vins sont filtrés une seule fois sur plaques en cellulose deux heures avant la mise en bouteille effectuée en lune descendante (par rapport à l’écliptique) les jours fruits et fleurs.

Barriques neuves, inox, ou foudres anciens ?
Les régions vinifiant en barriques ont toujours renouvelé une partie de leur futaille avec des « pièces » neuves, réservées aux vins les plus puissants assemblés ou non ensuite avec les vins issus des anciennes barriques. Cependant la généralisation des barriques neuves à tout vin d’un certain niveau en toute région, voire des copeaux de chêne pour les vins plus simples, conduit aujourd’hui à davantage discuter de l’origine des chênes, du toastage du bois, que du vin lui-même. En effet l’origine du vin n’est souvent plus reconnaissable en dégustation à l’aveugle. Le sens initial d’une pratique dérive ainsi en fonction des « exigences » du marché. Si cette mode perdure, les forêts de chênes n’y suffiront plus à court terme! A la recherche de l’expression des caractères originaux de notre région nous n’élevons nos vins ni en acier inoxydable, ni en barrique, mais en foudres de chêne anciens.
D’une contenance moyenne de 3000 litres, nos foudres de chêne ont pour la plupart un siècle d’âge, ils sont une peau végétale pour le vin. Ces foudres permettent la respiration (passage d’air) et la transpiration (évacuation d’alcools supérieurs et d’esters) des cuvées, sans modifier leur goût par des apports de boisé.

Soufre
L’utilisation du soufre remonte au-delà du Moyen Age. Le soufre pour le vin, est source d’harmonie à condition d’être utilisé à la juste dose et sans l’adjonction d’autres stabilisants. Mais la peur guettant, la tentation de mettre plus de soufre pour se rassurer l’emporte dans bien des caves. Le soufre n’est pas miraculeux. Il évite un vieillissement prématuré du vin et le protège lorsque transport et changements de températures le chahutent trop.
Le soufre est le seul agent extérieur au raisin, que nous utilisons, en quantité deux fois moindre que d’usage. Nous l’apportons au soutirage, avec un ajustement lors de la mise en bouteille.
Depuis 1999 nous vinifions complètement sans soufre (y compris à la mise en bouteille) deux à trois cuvées par an.